L'actu de l'IAT

Le Cnam, toutes voiles dehors, au service de la performance sportive

Crédits photos : Richard Bord

8 décembre 2020

Antoine Albeau, multi-champion du monde de planche à voile, a un objectif d'ici à 2023 : battre le record du monde de vitesse absolu à la voile et, chose inédite, s'entraîne, pour cela, en soufflerie. Notamment dans l'impressionnante soufflerie S6 de l'Institut aérotechnique (IAT) du Cnam !

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Le véliplanchiste doit d'abord se soumettre à de gros tests en soufflerie pour élaborer une planche capable d'atteindre des vitesses élevées.
© Richard Bord

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Premières journée d'essais pour Antoine Albeau, l’homme aux 25 titres mondiaux de windsurf, accompagné de son binôme Marc Amerigo, dans les souffleries de l'Institut aérotechnique du Cnam à Saint-Cyr-l'École.

Par Nicolas Arquin, pour Windmag.com

11h15. Lorsque nous arrivons dans l’immense soufflerie « S6 » de l’Institut Aérotechnique de St-Cyr-L’Ecole (Yvelines, 78), les choses sérieuses ont déjà débutées pour Antoine Albeau, Marc Amerigo et les membres du projet «  Zephir ».  Juché sur son gréément, casque sur la tête, lunettes sur le visage, le recordman du monde de vitesse en windsurf (53,27 nœuds, réalisés en 2015) enchaîne les sessions dans cette soufflerie hors normes.

« On utilise une soufflerie à installation climatique, faite pour tester notamment des systèmes de refroidissement de véhicules, tels que des poids lourds ou des engins militaires. L’avantage de cette soufflerie, c’est qu’elle est de très grande dimension. Cela nous permet dans le cas d’Antoine de mettre la voile en entier. Au niveau aérodynamique, le flux d’air n’est pas d’une grande qualité car ce n’est pas le but de cette installation, mais nous pouvons quand même souffler aux environs de 30 nœuds, avec un air un peu turbulent. Ce n’est au final pas si loin de conditions réelles de vent de 30 nœuds… », nous détaille Clodoald Robert, directeur de l’Institut Aérotechnique.

Dans le hangar jouxtant la soufflerie, diverses voiles du Rétais attendent d’être utilisées par leur propriétaire, dont du matos très ancien. Marc Amerigo nous en dit plus : « Ce que l’on fait à l’occasion de ces tests, c’est de ressortir des placards des tas de concepts qui ont été faits par le passé, même s’ils n’ont jamais rien donné. C’est ce qui va alimenter le design du futur ! »

Antoine Albeau complète : « Le fil de la vie, de la compétition, de l’obligation pour les coureurs de faire des résultats en PWA etc… nous a fait oublier cette notion de vitesse. Avant, il y avait une Coupe du monde de vitesse avec au moins 5 ou 6 épreuves, mais depuis pas mal d’années il n’y a plus rien. On va donc pousser la chose, on va vraiment pousser la chose ! »

Une expérience inédite avec, comme fil rouge, la volonté de battre le record du monde de vitesse absolu à la voile (65,45 nœuds, soit environ 121 km/h, établi en 2012).
 Pour ce faire, Albeau et Amerigo entendent bien casser les codes et étudier les phénomènes aérodynamiques à haute vitesse. Alors, FRA-192 se donne à 200%, en position de ride, la voile se déformant en prenant la forme qu’elle prendrait dans le vent.

 « Je me sens chez moi dans ces souffleries ! Au final, tu fais de la navigation pure… », confie Antoine Albeau à Wind Magazine. « A Magny-Cours c’était un peu délicat, on a vraiment travaillé sur l’aérodynamisme. Nous n’avions pas de voile du tout, il y avait juste le mât, un wishbone attaché en situation et ils t’envoyaient du vent fort.  C’était un peu différent. Ici, tu navigues. Tu as toute ta voile, on voit comment évoluent les filets d’air, et le vent est moins régulier ici, il est turbulent donc plus naturel. »

La journée s’achèvera par des sessions en motion capture, le Rétais bardé de capteurs tout comme son gréément, afin de réaliser des animations en 3D. « On a appris ce qui se passe entre un bonhomme et sa voile », lance, satisfait, Marc Amerigo. « Je trouve super qu’on puisse aligner tout le savoir-faire du monde industriel et technologique au service du windsurf et de la communauté windsurf ! Merci Wind Magazine d’être présent, ce que l’on fait va au-delà du windsurf mais c’est important que la communauté windsurf soit au plus près de nous. On a eus quatre jours où nous sommes allés au-delà de ce que l’on voulait faire. Je suis ravi, techniquement on a vu ce que l’on voulait voir, ça a confirmé nos ressentis, nos projections. On a des résultats concrets, de la mesure, de la visualisation. Antoine a même découvert des choses sur les écoulements et sur l’aérodynamique autour de lui et de son gréement… On a ressorti des tiroirs des très vieux matériels qui nous ont permis d’aller explorer des petites choses. Je suis très content, avec Antoine nous sommes comme deux gosses ! »

Laissons le soin de la conclusion à Antoine Albeau : « On a énormément travaillé durant ces quatre jours de soufflerie, on n’a pas compté nos heures, du matin au soir. On a fait tout ce qu’on a voulu, on a compris beaucoup de choses et confirmé beaucoup de choses. C’est un gros gros succès et c’est une première mondiale de faire cela, jamais un windsurfeur n’était encore allé dans une soufflerie. [...] »

Prochaines étapes, désormais, pour l’équipe du projet Zephir : analyser tout ce qui a été fait en ce début décembre, et mener des calculs grâce aux données mesurées en soufflerie. Les premiers prototypages de voile devraient ensuite voir le jour, lors du premier trimestre 2021.

L'IAT et ses souffleries

L'institut aérotechnique du Cnam a été inauguré le 6 juillet 1911. Ses principales missions concernent la réalisation d'essais industriels et la conduite de projets de recherche appliquée.

L’Institut aérotechnique possède une grande expérience en aérodynamique. De nombreux moyens d'essais permettent d’étudier tous types de maquettes (échelle 1/1 ou réduites) dans une large gamme de vitesse. Les prestations en aérodynamique externe ou interne peuvent aller de la conception à l’instrumentation d’une maquette, de la réalisation à l’analyse des essais.

L’IAT entreprend des études variées sur des thèmes tels que l’aérodynamique stationnaire et instationnaire, l’aéroélasticité ou encore l’aéroacoustique. Ces travaux sont conduits sous forme de recherches internes ou contractuelles avec des industriels, ou dans le cadre de projets nationaux et internationaux.

Quelques exemples :

  • Contrôle actif des décollements par jets pulsés
  • Contrôle passif de l'écoulement par générateurs de vortex
  • Effets d'échelles aéroacoustiques
  • Émissions sonores diverses
  • Dépassement de véhicules
  • Bruits de cavités et contrôle
  • Modélisation de couche limite atmosphérique
  • Grilles de turbulence

 Lancement du projet Zephir à l'IAT