Le cnam mag' #3 - page 14

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L’invité de la rédaction : Jean-Louis Étienne
Vous avez toujours veillé à inclure un volet
pédagogique dans toutes vos expéditions, afin de
sensibiliser les plus jeunes aux défis
environnementaux. Quel regard portez-vous sur la
génération qui héritera du monde de demain?
Nos jeunes sont les ambassadeurs de nos inquiétudes.
Alors oui, je constate qu’il y a une mobilisation, une prise
de conscience. Et aussi un engagement sociétal plus
important, une envie de changer le monde. Mais c’est
difficile de savoir comment s’y prendre : c’est énorme, le
monde! Ce que je préconise c’est:
«
soyez efficace sur votre péri-
mètre d’influence
». Il faut s’an-
crer dans la réalité, ne pas
manipuler que des concepts. Nous avons tous un péri-
mètre d’influence, ça vaut le coup d’en prendre
conscience et de l’élargir si on le souhaite.
En tant que personnalité publique, votre périmètre
d‘influence est très important. Comment vivez-vous
cette responsabilité?
C’est une découverte permanente. Je ne représente ni
un parti politique, ni une institution, je n’ai pas de jury
qui va juger ce que je dis. J’ai donc cette liberté qui donne
une légitimité, d’autant que je suis aussi considéré
comme un homme de terrain. Ce qui m’intéresse c’est
d’insuffler quelque chose, avec pour message «
enri-
chissez votre vie, inventez votre existence sur les choses
qui vous tiennent à cœur
». Parce qu’on est bon sur ce
qui nous tient à cœur. Rajoutons tout de même qu’il y a
des traversées du désert énormes, des moments de
doute terribles.
Justement, votre dernier ouvrage s’intitule
Persévérer
. Vous n’y relatez pas une de vos
aventures, mais le moyen de réaliser les siennes.
En interrogeant ma vie, je me suis rendu compte que
j’avais, aux bons moments, résisté à la tentation de
l’abandon. Parce que dans la vie nous progressons par
seuil, nous ne sommes pas tout le temps animé par
quelque chose. J’interviens avec des CM2, et à cet âge on
comprend déjà beaucoup de choses. Je leur demande,
par exemple, «
Qui a déjà commencé une maquette
d’avion qui n’a jamais volé ?
». Et à
ceux qui lèvent la main, je leur dis
:
«
Termine ta maquette, fais la voler
et ta vie va changer. Parce que tu
auras donné corps à un rêve
». En n’abandonnant pas
ses rêves, on se rend compte du bonheur de réaliser ce
que l’on entreprend.
Vous avez des regrets?
Ce sont plus des frustrations liées à des choix que des
regrets. Par exemple, je pratiquais la chirurgie orthopé-
dique. Une opération, le fonctionnement au bloc, toute
une équipe derrière vous, c’est très intense, c’est une
aventure ! Mais j’ai aussi eu l’envie d’autres expéditions.
J’en ai fait pendant 14 ans et j’aurai voulu reprendre la
chirurgie, mais ça demande une présence permanente…
Je suis passé à autre chose. Mais je continue à découper
les poulets rôtis le long des aponévroses (les mem-
branes qui entourent les muscles, NDLR), je fais de l’ana-
tomie (il rit). Je ne supporte pas qu’on se serve de ces
gros sécateurs.
Inventez votre existence sur
les choses qui vous tiennent à
cœur»
Explorateur, médecin, pédagogue, on ne compte plus les défis et les combats de Jean-Louis Étienne.
Ce véritable passeur de passions et d’émotions a suivi, d’un pôle à l’autre, un parcours qu’il défi-
nit lui-même comme «sinueux mais cohérent». Actuellement plongé dans la préparation de Polar
Pod, son projet d’exploration des courants antarctiques, il revient, entre autres sujets, sur son enga-
gement pour la protection de l’environnement.
«
Je continue à découper les
poulets rôtis le long des
aponévroses !
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