Le Cnam mag' #8 - page 31

mag'
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Grand angle
Blockchain
 : une révolution
numérique?
L
a première
blockchain
, et encore la plus impor-
tante en termes de valeur attachée à ces
tokens
digitaux, est celle du réseau
Bitcoin,
à l’origine de
toute cette vague technologique. Les termes peuvent
avoir de multiples sens : «bitcoin» désigne ainsi un pro-
tocole tout autant que des unités de compte, les
bitcoins
,
dont la création est programmée. De même, le terme de
blockchain
est devenu dans l’usage courant une synec-
doque où l’on désigne un tout par une de ses parties : en
évoquant une nouvelle
blockchain
, on fera souvent réfé-
rence, au-delà de la simple structure de données, à tout
l’écosystème qui la porte.
Pourquoi un tel engouement ?
Aujourd’hui, des centaines de
blockchains
sont en déve-
loppement, pour différentes applications, et leur nombre
ne cesse d’augmenter
1
. Il est encore trop tôt pour faire
l’exégèse de cette vague technologique mais on peut rai-
sonnablement penser que c’est probablement l’idée que
les
blockchains
pourraient se substituer aux « tiers de
confiance» qui fut l’un des moteurs, et peut-être le plus
disruptif, de cet intérêt. Il faut bien saisir qu’à l’origine du
Bitcoin
se trouve la volonté idéologique de disposer d’un
système de paiement électronique décentralisé capable
de fonctionner sans passer par l’intermédiation des ins-
titutions financières. C’est ce qui est clairement dans le
papier séminal de Satoshi Nakamoto, qui décrit les prin-
cipes de ce système de cash électronique arrimé sur un
réseau pair-à-pair
2
. L’un des intérêts majeurs de cet
article est d’avoir proposé une solution au problème de
la « double dépense ». En effet, sans aucune exception,
toutes les propositions de cash électronique antérieures
au
Bitcoin
nécessitaient un tiers de confiance pour véri-
fier que la monnaie numérique en circulation n’avait pas
déjà été dépensée – «double dépense» qui n’existe pas
pour une monnaie physique.
Si la première application fut dans le domaine des paie-
ments, les cas d’usage sont aujourd’hui multiples. En
finance, par exemple, de nombreuses réflexions ont vu le
jour sur l’utilisation de
blockchains
pour réformer
l’infrastructure financière – comme sur les implications
qu’une telle réforme aurait sur les processus de finance
d’entreprise et plus généralement sur les fonctions de
contrôle, de comptabilité, d’audit, de conformité et de
reporting
. Mais songer aux possibilités d’une
blockchain
,
c’est aller bien au-delà. Grâce aux
smart contracts
, ces
«programmes intelligents» distribués et portés par une
blockchain
3
, apparaît par exemple la possibilité d’auto-
matiser de nombreuses tâches et d’avoir un impact sur
la plupart des professions réglementées : avocats, huis-
siers, notaires...
Les
blockchains
sont aujourd’hui un thème de recherche
éminemment transdisciplinaire, qui rejoint d’autres
sujets porteurs comme le
Big Data
ou l’internet des
objets. Il touche des disciplines aussi vastes que la cryp-
tographie et la sécurité informatique, les sciences de
gestion et les modes de gouvernance, l’économie et la
théorie des jeux, les professions juridiques et réglemen-
taires, le domaine des paiements, sans oublier bien sûr
la finance ou l’assurance – et c’est une liste loin d’être
exhaustive. Certes, il y a eu autour de la
blockchain
beaucoup de
buzz
et parfois un grand flou prospectif ou
des effets de mode douteux – comme souvent. Et la
transformation numérique n’a pas attendu les
block-
chains
pour se mettre en marche. Mais, les réflexions
actuelles autour de cette technologie sont extrêmement
stimulantes pour celles et ceux qui les conduisent – à
commencer par les entreprises.
En conclusion, s’il est encore difficile de se représenter le
devenir exact de toutes ces initiatives d’ici 2030, il est
très probable que ce vaste
brainstorming
collectif, et les
investissements importants qu’il suscite (presque 2 mil-
liards de dollars en capital-risque à ce jour), donneront
naissance à quelques grandes réussites. Pour mettre les
choses en perspective, on peut songer à ces vétérans de
l’Internet qui ont aujourd’hui, avec la
blockchain
, le
même sentiment qu’ils avaient avec l’internet en 1994
4
.
S’ils ont raison, on connaît la suite… Sauf qu’elle risque
encore de s’accélérer !
Il y a eu durant les dix-huit derniers mois une effervescence médiatique considérable autour des
blockchains
. Qu’est-ce qu’une
blockchain
? C’est d’abord un registre de données, structuré en
chaîne de blocs d’information et utilisé pour enregistrer les différentes transactions d’un réseau
pair-à-pair. Sur ce réseau circulent des
tokens
digitaux, c’est-à-dire des unités de compte, ayant le
plus souvent vocation à être utilisés pour payer différents services – c’est pour cela qu’on parle de
cryptomonnaie.
Alexis
Collomb
1:
On pourra
par exemple
consulter le site
coinmarketcap.
com
.
2:
La volonté de
désintermédier
les institutions
financières est
explicite dès la
première phase du
papier de Satoshi
Nakamoto (un
pseudonyme),
consultable sur
.
org/bitcoin.pdf
.
3:
On pourra par
exemple se référer
à la
blockchain
Ethereum
.
org
.
4:
Marc
Andreessen, qui
développa en
1993 le premier
navigateur
Web, Mosaic, et
reste l’une des
personnalités de
l’internet les plus
respectées, a par
exemple fait ce type
de comparaison.
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