Le cnam mag' #3 - page 39

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360 degrés
lire sur mon ordinateur et je suis profondément choqué.
Un article
[dans lequel il est interviewé avec d’autres
réfugiés syriens]
est paru hier dans un grand quotidien
national, et je suis allé lire les com-
mentaires sur leur site. Beaucoup
de messages très durs, du genre
"Retournez crever dans votre
pays"
. Ça fait deux ans que je suis ici, et je n’ai rencontré
que des gens accueillants et généreux ; c’est la première
fois que je constate la part sombre de la France
».
Comment perçoit-il ce genre de propos, les peurs qui
s’expriment, la récupération politique qui en est faite ?
«
Ça ne ressemble pas à ce que j’ai vécu jusqu’ici. Ces
gens ne nous connaissent pas, ils ont des
a priori
sur
nous, ils pensent qu’on est des agents infiltrés de
Daesh…
», il secoue tristement la tête, «
…alors que c’est
tout le contraire. En fait, ce que l’on veut, c’est participer
et construire la société qui nous accueille, pas la
détruire !
»
Alors que je lui demande ce qu’il pense de sa nouvelle
formation, radicalement différente de ses études précé-
dentes, il conserve son enthousiasme.
«
Tu sais, en Syrie, on a pas autant le choix qu’ici pour
notre orientation. Étudier la littérature et l’anglais, ce
n’était pas mon premier choix. Par contre, à partir de
mes seize ans, j’ai passé beaucoup de temps dans la
boutique de matériel informatique de mon frère. J’ai
commencé à étudier par moi-même le HTML et le
webdesign, dans des livres ou sur Internet. Et quand j’ai
rencontré les gens de l’association Pierre Claver, je leur
ai dit que j’aimais ce genre d’études et ce sont eux qui
m’ont orienté vers le Cnam. Donc cette formation de
programmeur d’applications mobiles, cette fois, c’est
vraiment mon choix
». Il s’enthousiasme : «
Et ce sera
quelque chose d’utile, professionnellement. Je pense que
je vais pouvoir trouver un travail facilement grâce à ça
».
Au moment de se quitter, Milad tient à me rappeler à
quel point l’association Pierre Claver a été importante
pour arriver là où il en est. «
J’ai beaucoup appris auprès
des gens de l’association. Ils m’ont donné des cours de
français, accompagné pour les démarches, ils ont payé
les frais, mais ce n’est pas tout. Par exemple, en janvier,
avec
Charlie hebdo
, il y a eu beau-
coup d’incompréhension chez les
réfugiés musulmans
». Il m’ex-
plique alors comment des débats
ont été menés, et comment leur point de vue à peu à peu
changé. «
C’est important d’étudier l’histoire de la
France, et comment les gens pensent en France, pour
nous permettre de nous intégrer au mieux dans la
société
».
VH
L’Association Pierre Claver
L’Association Pierre Claver regroupe des avocats et
juristes bénévoles, désireux d’aider les personnes
ayant obtenu le statut de réfugié, sans considération
d’origine ou de religion. Elle se concentre sur l’acquisi-
tion de la langue française, l’accès à la formation et
l’aide à l’obtention d’un travail. Elle propose aussi un
service d’assistance juridique pour l’ensemble des
démarches administratives.
L’école gérée par l’association, située à Paris, propose
des cours de français et de culture générale, mais
aussi de dessin, de théâtre, ainsi que des événements
sportifs et culturels. Avec pour mot d’ordre :
«
Apprendre la langue et la culture du pays où l’on a
choisi de vivre, c’est apprendre à y vivre
».
C’est la première fois que je
constate la part sombre de la
France
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