Le Cnam mag' #8 - page 20

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mag'
Enquête
professoraux, alors que 37% des hommes universitaires
sont professeurs. Elles acceptent en outre plus aisément
des responsabilités pédagogiques, que des responsabili-
tés de recherche. Or la promotion des carrières se fait
par la recherche
. »
Une inégalité plus lourde dans les classes populaires
Ces inégalités de sexe interagissent aussi avec d’autres
critères de discrimination comme la classe sociale ou
l’origine ethnique. Aux yeux de Louis Maurin, directeur
de l’Observatoire des inégalités, les études et enquêtes
concentrent leur regard sur le fameux plafond de verre
auquel se heurtent les femmes pour l’accès aux postes
de direction. Une vision restrictive qui occulte les inéga-
lités sociales touchant les membres des classes popu-
laires. «
Elles subissent une double forme d’inégalité : on
oublie que les ouvrières gagnent trois fois moins que les
femmes cadres. La parité masque parfois les inégalités
sociales
», déplore-t-il.
Les inégalités transparaissent également au quotidien à
travers des comportements différenciés. Professeure
des universités à l’Université Paris
Nanterre et chercheuse associée au
Centre de recherche sur le travail et
le développement (CRTD) du Cnam,
Isabelle Olry-Louis s’est penchée sur
les freins insidieux à l’
empowerment
des femmes. En observant des «
activités mixtes de co-
résolution de problème au travail
», elle note une «
réti-
cence plus importante des femmes à se mettre en avant.
Elles sont plus attentives à la qualité et à l’approfondis-
sement de l’échange
. » Cette différenciation se double
d’une discrimination : «
la parole est inégalement répar-
tie en faveur des hommes qui interrompent aussi plus
souvent leurs homologues femmes.
» Un comportement
sexiste désormais popularisé sous le terme de
manterrupting
.
Hommes et femmes, naturellement différents?
Comment expliquer ces comportements sexués ? Ils
sont, aux yeux de beaucoup, l’expression de la différence
naturelle entre les hommes et les femmes. Ces dernières
sont alors souvent investies de spécificités psycholo-
giques complémentaires à celles de leurs homologues
masculins : les unes étant douces et empathiques, les
autres compétitifs et dotés d’un esprit matheux.
Et pourtant… les avancées scientifiques prouvent doré-
navant la faiblesse des disparités biologiques réelles. De
fait, les différences que nous percevons ou projetons sur
les individus sont le fruit des apprentissages et de l’expé-
rience vécue qui modèlent le cerveau. Pour Catherine
Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’Insti-
tut Pasteur, les stimulations de l’environnement impri-
ment leur marque sur le développement du cerveau et
des réseaux synaptiques dès nos premiers instants de
vie. «
Quand le nouveau-né voit le jour, son cerveau
compte 100 milliards de neurones, qui cessent alors de
se multiplier. Mais la fabrication du cerveau est loin
d’être terminée, car les connexions entre les neurones,
ou synapses, commencent à peine à
se former : seulement 10% d’entre
elles sont présentes à la nais-
sance.
»
2
Les différences d’aptitudes
et de goûts entre les femmes et les
hommes ne sont donc pas innées
mais façonnées par notre socialisation, grâce à la plasti-
cité cérébrale.
Si peu à peu les mentalités changent, les stéréotypes
persistent et font le lit des inégalités. La France devra
faire quelques efforts pour dépasser le 17
e
rang (sur 144)
des pays les plus avancés en matière d’égalité des
sexes…
3
Aurélie Verneau
L’écriture inclusive pour rendre visibles les femmes
Parce que les représentations véhiculées dans le lan-
gage sont l’un des leviers pour infléchir les mentali-
tés, le Conservatoire s’est saisi de l’écriture inclusive.
Définie comme l’ensemble des attentions graphiques
et syntaxiques qui permettent d’assurer une éga-
lité de représentations de deux sexes, elle contribue
à construire une société plus égalitaire. Qu’il s’agisse
d’accorder en genre les noms de fonctions, métiers
ou grade, d’user du féminin et du masculin en rendant
visible le féminin via un point médian…, aujourd’hui,
c’est l’ensemble du Cnam qui veillent à appliquer ces
règles et participe à l’élimination des clichés.
Dernier exemples phares, l’école d’ingénieur·e·s du
Conservatoire a ainsi changé son logo en y incluant
le féminin. Une initiative marquant la volonté de l’éta-
blissement de contribuer à l’élimination de clichés
défavorables aux principes d’égalité des sexes. Un axe
d’autant plus important qu’afin de répondre aux défis
de demain, le nombre de diplômé·e·s ingénieur·e·s
devrait passer de 35000 à 50000 par an.
Le Cnam, un établissement engagé
Nomination en 2014 d’une chargée de mission égalité-
diversité, signature en 2015 de la convention d’engage-
ment pour une communication publique sans
stéréotypes de sexe proposée par le Haut Conseil pour
l’égalité femmes/hommes, puis de la charte pour l’éga-
lité femmes/hommes en 2016, création d’une chaire
«Genre, mixité et égalité femmes/hommes de l’école à
l’entreprise », développement d’un
Serious Game
sur
l’égalité… ces actions traduisent l’engagement de l’éta-
blissement pour promouvoir l’égalité des sexes, auprès
de ses auditeur·rice·s comme de ses personnels et
partenaires.
Pour rendre visible les femmes dans l’espace public et
les médias, il participe aussi au projet expertes.eu, pre-
mier annuaire, 100 % numérique, de toutes les femmes
expertes en France. Et, porte des actions de sensibilisa-
tion à l’occasion de la journée internationale des droits
des femmes.
Les différences que nous
percevons ou projetons sont
le fruit des apprentissages et
de l’expérience vécue
2:
Catherine Vidal,
Le cerveau a-t-il un
sexe ?
, septembre
2009 (http://
eduscol.education.
fr/cid47784/
le-cerveau-a-t-il-un-
sexe%A0.html)
3:
Selon le rapport
2016 du Forum
économique
mondial sur
la parité
hommes-femmes.
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