Le cnam mag' #9 - page 13

1:
Institut national
de recherche et
de sécurité.
2:
Sylvie Platel,
«Cancers liés
au travail: une
reconnaissance
en maladie
professionnelle à
deux vitesses»,
Connaissance de
l’emploi
, n°139,
février 2018.
3:
Seules
22 localisations
de cancer
associées à
une vingtaine
de substances
cancérogènes
sont répertoriées.
mag'
11
E
n 2019, l’unité de température, le kelvin, changera
de définition. Actuellement fondée sur un artefact
matériel, elle sera directement reliée à une
constante fondamentale de la physique, la constante de
Boltzmann, k.
Prérequis indispensable à cette petite révolution dans
l’univers de la métrologie : la valeur de k devra être com-
patible avec les mesures de la physique précédemment
effectuée. En vue de cet objectif, des chercheurs du
Laboratoire commun de métrologie (LNE-Cnam) ont
effectué cette année la mesure avec la meilleure exacti-
tude de la constante de Boltzmann jamais réalisée.
Depuis 1968, le kelvin est défini comme la fraction
1/273,16 de la température du point triple de l’eau – où
l’eau coexiste sous les trois phases : solide, liquide et
gazeuse – qui correspond à 0,01 °C ou 273,16 K. Or cette
définition dépend de la qualité de l’eau (impuretés, com-
position isotopique…) utilisée pour la mettre en œuvre et
a donc pu varier au cours des décennies.
Pour y remédier, il faut s’affranchir des caractéristiques
macroscopiques d’un corps (ici l’eau), au profit d’une
définition universelle. D’où la proposition de la
Conférence générale des poids et mesures de fonder le
kelvin sur la définition microscopique de la température,
à savoir la mesure de l’agitation thermique des atomes
d’un corps, indépendante de la nature chimique de ses
constituants.
Pour déterminer la valeur de la constante de Boltzmann,
les scientifiques du LNE-Cnam ont proposé un dispositif
original appelé thermomètre acoustique quasi sphé-
rique. Son principe ? Mesurer la vitesse du son dans un
gaz placé dans une enceinte quasi sphérique à la tempé-
rature du point triple de l’eau. Celle-là est en effet direc-
tement reliée à la définition du kelvin de 1968. En
pratique, thermométrie, pureté du gaz, phénomènes
acoustiques et électromagnétiques, modélisation des
perturbations… cette expérience délicate a nécessité
une dizaine d’années de développement. Quand on a
commencé, les outils mathématiques nécessaires à
l’analyse des résultats n’existaient même pas !
À la clé, une manipulation à l’exactitude record, ayant
livré en 2017 une valeur de la constante de Boltzmann
avec une incertitude relative de 0,57x10
-6
.
Laurent Pitre
Quand le Cnam e ectue
la mesure la plus exacte
au monde !
3
4
Actualités
R
esponsable de 150000 décès par an, le cancer est
la première cause de mortalité en France. La pro-
gression des nouveaux cas est constante depuis
des décennies, passant de 170000 en 1980 à 385 000 en
2015 selon l’Institut national du cancer (2017). Parmi eux,
entre 14 000 et 30 000 cas (4 à 8%) seraient liés au tra-
vail, c’est-à-dire seraient «
la conséquence directe de
l’exposition à un risque physique, chimique ou biolo-
gique
1
» en contexte professionnel.
Ces cancers professionnels constituent un important et
pérenne problème de santé publique. Touchant principa-
lement les ouvriers, ils contribuent fortement aux inéga-
lités sociales de santé. Considérés comme priorité des
politiques publiques depuis plusieurs années, ils
manquent cependant de visibilité et souffrent de
carences à tous les niveaux, de la déclaration à la recon-
naissance, de la connaissance à la prévention. Leur visi-
bilité est corrélée à leur reconnaissance en maladie
professionnelle par la Sécurité sociale, à laquelle bon
nombre d’entre eux échappe. Ils induisent un surcoût
pour cet organisme, car les dépenses occasionnées sont
supportées par la branche maladie en lieu et place de la
branche des risques professionnels – financée par les
employeurs – dont ces cancers pourraient relever. De
plus, les victimes sont privées de droits rattachés à ce
statut.
Ma recherche
3
, qui analyse le processus institutionnel
de reconnaissance en maladie professionnelle des can-
cers liés au travail, détaille les mécanismes qui causent
l’arrêt de nombreuses demandes de reconnaissance en
maladie professionnelle. Cette reconnaissance est plus
facilement acquise pour les cancers qui s’inscrivent
dans les tableaux de la Sécurité sociale
4
, qui associent
un cancer à une substance dans des conditions de tra-
vail et de durée spécifiques. La reconnaissance s’avère
incertaine pour les autres malades, même s’ils ont été
largement et durablement exposés à des cancérogènes
professionnels avérés. Et ils sont très nombreux. En
effet, certaines formes d’emploi actuelles, marquées par
la précarité, la polyvalence, la sous-traitance, le change-
ment d’emploi et de poste de travail fréquent contribuent
à combiner et fragmenter les expositions aux cancéro-
gènes. Ces types de parcours professionnels restent à la
marge des standards de la réglementation
Sylvie Platel
Cancers liés au travail :
une reconnaissance à
géométrie variable?
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