Le cnam mag' #9 - page 14

12
mag'
L’invité de la rédaction : Mamadou Talla
Quel a été votre rapport d’étonnement lorsque vous
êtes arrivé à la tête de votre ministère?
En 2012, avec le Président Macky Sall, nous étions per-
suadés qu’il était nécessaire de s’appuyer avec force sur
les jeunes, les femmes et le monde rural pour assurer le
développement économique et social du Sénégal. Et que
pour cela, la formation professionnelle devait jouer un
rôle prépondérant. Pourtant, la formation technique et
professionnelle ne concernait que 29 000 apprenants,
répartis dans 11 lycées, alors que le pays comptait plus
de 40 000 bacheliers et que de nombreux diplômés de
l’enseignement supérieur n’arrivaient pas à trouver du
travail. À cela s’ajoute qu’ici beaucoup de jeunes n’ont
jamais été scolarisés, ou sont déscolarisés très tôt, et
que d’autres ne fréquentent qu’un
daara
1
. Lors de ma
prise de fonction, je suis aussi retourné au lycée
Limamoulaye de Guédiéwaye, où j’ai été formé, puis au
lycée Ahmadou Bamba de Diourbel, où j’ai enseigné. Là,
j’ai retrouvé les mêmes machines, les mêmes méthodes
pédagogiques, les mêmes outils didactiques... J’avais
l’impression que rien n’avait bougé et que le chemin
emprunté n’était pas le bon. Nos formations étaient très
éloignées des besoins de l’entreprise et restaient un
apprentissage de gestes sans cesse répétés : tournage,
rabotage, fraisage, dessin industriel à la mine... Enfin, le
Sénégal ne disposait d’aucun texte d’orientation sur la
formation professionnelle et technique. En 2012, il y a
donc six ans seulement, le pilotage se faisait à vue, sans
fil conducteur, au sein d’une direction ou d’un secrétariat
d’État tantôt rattaché au ministère de l’Éducation natio-
nale, tantôt à celui de l’Enseignement supérieur ou du
Travail.
Au regard de ces premiers constats, quelle fut votre
stratégie?
Nous nous sommes dotés d’une loi d’orientation qui noti-
fient très clairement nos missions comme nos objectifs
afin de répondre aux enjeux de développement du
Sénégal. Cette loi, en préparation depuis 2004 mais
adoptée en 2013, réforme l’ensemble de notre système
autour de deux objectifs principaux : nous éloigner, d’une
part, d’une classe où les élèves restent statiques devant
un tableau et répondre, d’autre part, aux besoins réels
de notre économie. Nous restons en effet convaincus
que c’est la qualification professionnelle d’un nombre
élevé de jeunes qui permettra l’émergence du Sénégal.
Pour cela nous avons lancé une concertation nationale
débouchant sur la signature d’une charte. Celle-ci pose
les bases de notre politique : nous n’allons plus former
pour former mais pour répondre à des besoins identifiés
en privilégiant les formations qualifiantes de courte
durée préparant à des métiers qui recrutent.
Dans le cadre du Plan Sénégal émergent nous avons
ainsi lancé le dispositif Formation professionnelle pour
l’emploi et la compétitivité qui vise à améliorer l’em-
ployabilité des jeunes et la performance des entreprises.
Soutenu par la Banque mondiale et l’Agence française
de développement, ce dispositif fonctionne sous forme
de cluster et identifie trois nouveaux secteurs priori-
taires : l’horticulture, l’aviculture et le tourisme.
Vous avez aussi développé l’apprentissage...
Nous avons effectivement mis en place un dispositif de
formation école-entreprise, où les apprenants alternent
Le regard de la société
sénégalaise sur la formation
professionnelle évolue»
Mamadou Talla se définit lui-même comme un pur produit de la formation professionnelle. Titulaire
d’un baccalauréat «sciences et techniques industrielles» et du certificat d’aptitude à l’enseigne-
ment secondaire technique et professionnel, il enseigne l’électrotechnique au lycée de Diourbel
avant de poursuive son cursus universitaire en France. Un séjour durant lequel il participera notam-
ment à la réforme du baccalauréat professionnel des métiers de l’électricité... Une vingtaine d’année
plus tard, le voici ministre de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat du
Sénégal, un poste où il fait sien le slogan «
Former, outiller et insérer
».
«
1:
Centre
d’éducation
religieuse où
est enseigné le
Coran.
1...,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13 15,16,17,18,19,20,21,22,23,24,...52
Powered by FlippingBook