Le cnam mag' #9 - page 18

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La francophonie et la science
en partage
La Côte d’Ivoire, à travers l’École nationale supérieure de
statistique et d’économie appliquée (Ensea) d’Abidjan, a
une expérience qu’il est opportun de connaître et de par-
tager. C’est une expérience de solidarité par la science
qui pourrait être bénéfique à tout le continent par son
impact sur le processus de l’intégration régionale.
L’origine de la formation des non-francophones en
statistique
L’idée d’ouvrir les formations francophones aux autres
espaces linguistiques tire son fondement des hostilités
intervenues dans les années 1990 en Sierra Leone et au
Liberia. Ces guerres internes ont eu des impacts relati-
vement prononcés sur le dispositif éducatif et la forma-
tion des cadres, notamment ceux pouvant occuper des
postes de conception du développement.
La conjonction de phénomènes inédits a favorisé la mise
en œuvre de cette idée par le recrutement de jeunes
d’Afrique du Sud en Côte d’Ivoire pour la formation sta-
tistique. En accord avec les autorités de
Statistics South
Africa
, notamment son Secrétaire général Pali Lehohla,
la direction de l’Ensea a opéré cette ouverture dès 2008.
Trois cohortes de jeunes d’Afrique du Sud ont ainsi été
successivement accueillies à Abidjan pour suivre une
formation statistique en français.
Cela a été un déclencheur puisque des cohortes de
jeunes du Liberia ont été recrutées, l’année suivante,
pour suivre ces mêmes formations faisant ainsi cohabi-
ter élèves sud-africains et libériens avec les autres fran-
cophones venus d’une quinzaine de pays africains. Le
modèle a été ensuite appliqué à la Guinée équatoriale.
L’activité scientifique a été renforcée par le brassage
culturel et sportif contribuant ainsi à accélérer la forma-
tion professionnelle recherchée.
Une intégration réussie
La formation statistique présente des spécificités ; les
élèves sont recrutés à partir de concours relativement
sélectifs dans les filières de techniciens supérieurs
(bac+2). Conformément aux objectifs visés, les meilleurs
élèves poursuivent en division ingénieur et obtiennent un
diplôme de niveau bac+4. Cette possibilité de passer
d’un statut de technicien supérieur à celui d’ingénieur a
été un stimulant car, à partir de ce niveau, de nom-
breuses possibilités d’insertion et d’évolution s’offrent
aux élèves compétents et bilingues.
Dans ce sens, la meilleure élève sud-africaine a été
admise à l’Institut d’études politiques de Paris où elle a
brillamment obtenu un diplôme de master. Une autre
effectue en 2018-2019 sa formation selon le même
modèle en master 1 en économie appliquée à l’Université
Paris-Est Créteil (UPEC).
Au-delà de la formation, l’élément majeur à retenir est
l’intégration réussie des élèves anglophones étudiant
dans l’espace francophone et s’adaptant aux méthodes
des grandes écoles francophones. Leur insertion profes-
sionnelle au sein des appareils statistiques est exem-
plaire. Cette expérience est en cours puisque d’autres
élèves du Liberia sont encore dans les filières de forma-
tion de l’Ensea d’Abidjan.
Le système de formation des cadres francophones dans les grandes écoles de spécialités a fait ses
preuves en termes d’efficacité et d’adaptation aux réalités économiques et sociales en mutation
constante. Malgré les critiques formulées relativement aux profils recherchés par les employeurs,
les ingénieurs et techniciens supérieurs diplômés des grandes écoles publiques disposent d’atouts
pour mieux s’insérer en milieu professionnel. Ces formations d’ingénieurs et de techniciens,
spécifiquement délivrées dans les pays francophones, selon lemodèle français, intéressent les autres
espaces linguistiques. Comment la francophonie et les sciences de l’ingénieur peuvent-elles attirer
des jeunes non francophones? Quels intérêts pour l’Afrique?
Koffi
N’Guessan
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