Le cnam mag' #9 - page 15

mag'
13
situation de travail et formation. Cette solution présente
deux avantages : pouvoir augmenter le nombre de per-
sonnes en formation en mobilisant les même ressources
en personnels et en infrastructures ; mieux répondre à
l’adéquation entre formation et emploi puisque pour
quatre cinquièmes du temps l’apprentissage se déroule
au sein d’une entreprise. La première expérimentation a
été menée avec l’Hôtel Terrou-Bi de Dakar et un groupe
de 30 apprentis dans les métiers de la réception, du ser-
vice en salle... Aujourd’hui plus de 160 entreprises et
1 360 apprentis bénéficient de ce dispositif. Il n’y a d’ail-
leurs rien d’étonnant à cela puisqu’au Sénégal lorsqu’un
jeune ne réussit pas à l’école, on lui conseille d’aller voir
son oncle menuisier, mécanicien... car c’est auprès de lui
qu’il pourra apprendre un métier. Nous n’avons donc fait
qu’institutionnaliser une tradition.
La formation professionnelle et l’apprentissage
rentrent donc dans les moeurs de la société?
Oui. Pour vous donner un exemple, nous avons créé des
cursus qualifiants de courte durée, les certificats de spé-
cialité, qui procurent en six mois les compétences pra-
tiques nécessaires à l’exercice d’un métier dans onze
secteurs clés. Pour celui dédié à l’installation de pan-
neaux solaires, alors que nous ne proposons que
20 places pour chaque session, nous recevons entre 800
et 1 200 candidatures à chaque fois ! Nous relevons donc
l’un des défis auxquels nous étions confrontés, et qui est
sensiblement le même en France : faire en sorte que les
jeunes n’appréhendent plus la formation professionnelle
comme un échec. Des diplômés du supérieur suivent
désormais nos cursus et acceptent d’être formés avec
des jeunes qui n’ont même pas le brevet, car ils savent
qu’ils trouveront ensuite facilement un travail. Le regard
de la société sénégalaise sur la formation profession-
nelle et l’apprentissage est en train d’évoluer !
Comment faites-vous le lien entre développement
économique et formation professionnelle?
Le Sénégal est résolument tourné vers l’émergence.
Nous avons ainsi réussi à relancer l’agriculture, avec
une production de riz, d’arachides ou d’oignons en
constante augmentation. Mais, ces produits ne
devraient pas sortir du Sénégal sans être transformés,
sinon ce sont aussi des emplois que nous exportons.
Pour cela nous devons accompagner les jeunes, notam-
ment ceux issus des zones rurales, pour qu’ils puissent
créer leur structure afin que le Sénégal ne demeure pas
seulement un pays exportateur de matière première.
Nous devons aussi accompagner les artisans pour leur
permettre de sortir d’une logique d’atelier de quartier
pour aller vers celle d’une petite entreprise. Il faut donc
que celles et ceux qui disposent
d’un savoir-faire puissent dévelop-
per leur projet. Au sein du pôle de
développement économique de
Dakar, à côté des quatre centres
d’enseignement spécialisés, nous
avons ainsi implanté une structure dédiée à l’entrepre-
neuriat, qui dispense des formations en management, en
gestion... et offre un service d’information. C’est aussi un
incubateur où les entrepreneurs bénéficient d’un accom-
pagnement spécifique et de matériels durant deux ans.
Quels sont les premiers résultats de cette politique?
Nous avons quasiment doublé les effectifs d’apprenants
et nous projetons de former 52 000 personnes en 2018.
Grâce notamment à la livraison d’une vingtaine de
centres de formation, implantés dans les sept pôles de
développement économique et dédiés aux besoins
locaux : l’industrie à Dakar ; l’hôtellerie et la restauration
sur la Petite Côte ; le machinisme agricole au Nord alors
qu’il est ici coutume de dire que là-bas tous les tracteurs
sont en panne. Grâce aussi aux Instituts supérieurs d’en-
seignement professionnel, mis en place par le ministère
de l’Enseignement supérieur, qui vont créer un conti-
nuum avec nos diplômes au-delà du BTS. Cela permet-
tra certainement d’atteindre l’objectif fixé par Macky
Sall : accueillir 30% des sortants du cycle fondamental
dans un cursus professionnel !
Propos recueillis par Yvan Boude
Actualités
Nous relevons l’un de nos
défis : faire en sorte que les
jeunes n’appréhendent plus
la formation professionnelle
comme un échec
1...,5,6,7,8,9,10,11,12,13,14 16,17,18,19,20,21,22,23,24,25,...52
Powered by FlippingBook