Le cnam mag' #4 - page 13

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L
a société californienne Airbnb, créée en 2008, a
fait beaucoup parler d’elle l’été dernier pour sa
valeur financière record, estimée à 24 mil-
liards $US. Deux fois plus qu’un an auparavant et près
du double de la valeur de son concurrent français, le
groupe Accor (12,4 milliards $US), créé il y a 50 ans.
Avec 2 millions de chambres dans 190 pays pour Airbnb,
contre 480000 dans 92 pays pour Accor, cet écart pour-
rait paraître largement justifié. Il y a pourtant une diffé-
rence fondamentale entre ces deux entreprises : la
première est une simple plateforme de mise en relation
entre individus, la seconde une chaîne d’hôtels possé-
dant un patrimoine immobilier mondial conséquent. La
première qui emploie 2 500 personnes, devrait réaliser
pour 2015 un chiffre d’affaires de 0,8 milliard $US et
perdre de l’argent. La seconde emploie 180 000 per-
sonnes et a enregistré la même année un chiffre d’af-
faires de 6 milliards $US pour un résultat largement
positif. Le monde de la finance serait-il devenu fou?
Une des explications de cet écart de valeur réside dans le
modèle économique d’Airbnb, qui apparaît comme
beaucoup plus efficient. Il lui permet une croissance très
forte avec un niveau d’investissements très faible. En
décembre 2015, Accor a déboursé 2,9 milliards $US
pour acquérir les 56 000 chambres d’un concurrent
canadien et ses 45000 collaborateurs. Le référencement
d’une nouvelle chambre par Airbnb a un coût quasi nul,
tant en investissements qu’en charges (de personnel,
notamment), puisque l’essentiel de l’activité est réalisé
par les utilisateurs eux-mêmes. Sa promesse est donc
sans commune mesure avec celle d’une entreprise tradi-
tionnelle. Sa valeur financière ne reflète pas la réalité
d’aujourd’hui, mais le potentiel de croissance, et surtout
de rentabilité offert aux actionnaires, inhérent à son
modèle économique. Mais, ce potentiel est très fragile.
D’après un investisseur américain reconnu, 90% des
entreprises de ce type (Uber, etc.) seront dévalorisées,
voire vont disparaître, dans les années à venir.
Cette situation représente-t-elle un risque pour l’écono-
mie réelle ? Assez faible pour le moment, car, même si
les montants affichés sont gigantesques (175 milliards
$US investis pour une valorisation globale de 1 300 mil-
liards $US), ces entreprises ne sont pas cotées en
bourse. Les transactions sont effectuées entre action-
naires et investisseurs en dehors du marché. Cependant,
une crise de confiance envers elles pourrait rejaillir sur
celles qui sont cotées (Apple, Amazon, Google, etc.) et
tirer alors les marchés mondiaux vers le bas.
Philippe Durance
C’est quoi une
République numérique?
L
’Assemblée nationale a adopté en janvier 2016, en
première lecture, le projet de loi « pour une
République numérique». Préparé depuis 2013 par
Axelle Lemaire, secrétaire d’État, le projet de texte avait
préalablement donné lieu à une consultation publique
qui a recueilli plus de 21 000 contributions. L’objectif est
d’adapter le cadre juridique existant afin de faire de la
France un champion de l’économie numérique au plan
international, tout en prévenant de possibles dérives.
Le projet vise tout d’abord à favoriser l’
open data
, c’est-à-
dire à faciliter l’accès et la réutilisation par les acteurs
économiques et les chercheurs aux données détenues
par les administrations, comme les bases de données de
l’IGN ou de l’Insee. De même, le texte rappelle le principe
de neutralité du net, selon lequel les opérateurs télécom
ne peuvent pas discriminer la qualité de l’accès au
réseau en fonction des services proposés par chaque
site Internet. Au-delà, il prévoit toute une série de
mesures visant à mieux protéger l’internaute. Un dispo-
sitif de régulation des avis en ligne ou des modalités de
référencement par les moteurs de recherche est ainsi
mis en œuvre, de même qu’est instauré un droit au
maintien de la connexion Internet en cas de facture
impayée.
Mais, c’est surtout en matière de protection de la vie pri-
vée que le gouvernement a œuvré. Sont ainsi institués de
nouveaux droits tels que le droit à l’oubli numérique pour
les mineurs, le droit à la confidentialité des correspon-
dances électroniques, le droit à la portabilité des don-
nées, ou le «droit à la mort numérique», c’est-à-dire le
droit de supprimer après le décès les données rendues
publiques sur Internet par la personne concernée.
En réalité, la plupart de ces mesures se limitent à préci-
ser des dispositions déjà existantes dans la loi française,
ou bien à anticiper sur l’implémentation prochaine de
nouvelles dispositions européennes. En particulier, le
règlement européen sur la protection des données,
applicable en France en 2018, qui constitue une révolu-
tion juridique et renforce profondément les obligations
des professionnels en matière « informatique et liber-
tés ». Ainsi, la désignation d’un « correspondant infor-
matique et libertés» sera désormais obligatoire dans un
certain nombre de cas, changement que le Cnam
accompagne depuis 2013 en proposant aux profession-
nels une formation juridique labellisée par la Cnil.
Guillaume Desgens-Pasanau
Que nous apprend le
match entre Airbnb et
Accor ?
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