Le cnam mag' #4 - page 22

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Enquête
2012, la situation a évolué paradoxalement. Si le pour-
centage de Français favorable à la loi sur le mariage
pour tous a considérablement augmenté après sa pro-
mulgation, on a pu assister en parallèle à une véritable
libération de la parole homophobe. Aymeric a vécu cette
violence de plein fouet : «
Je suis
éducateur de jeunes enfants. En
2013 j’ai décroché une promesse
d’embauche en crèche dans une
petite ville où tout se sait. La direc-
trice a changé d’avis en apprenant que j’étais gay, ce qui
voulait automatiquement dire, pour elle, pédophile
. »
Enfin, si le combat pour les droits des homosexuel(le)s
commence à porter ses fruits, la marge de progression
est immense pour les personnes transgenres. D’ailleurs,
la jurisprudence pour ce type de discrimination, très peu
fournie, démontre bien à la fois le faible nombre de cas
judiciarisés et la difficulté d’en faire aboutir de
nouveaux.
Mieux informer pour mieux
travailler
Comment expliquer la lenteur avec
laquelle évolue la fréquence des dis-
criminations liées au sexe, à l’identité
de genre et à l’orientation sexuelle ?
Premier problème, en raison de leur
banalisation, elles restent encore très
peu visibles ou en tout cas très peu
signalées. La lassitude et le découra-
gement jouent aussi un rôle non
négligeable : plus de 85 % des
comportements professionnels discriminatoires rappor-
tés n’entraînent aucune conséquence pour leurs
auteurs. Enfin, la peur des représailles paralyse trop
souvent ceux qui subissent, peur bien réelle quand on
sait que dans un cas sur quatre, la victime a constaté
une détérioration de ses relations
professionnelles après l’avoir rap-
porté à sa hiérarchie.
Pour lutter contre la banalisation
et informer, des associations pro-
posent des actions de sensibilisation. C’est le cas par
exemple de SOS homophobie, qui a récemment créé,
sur le modèle de ses interventions en milieu scolaire, des
interventions en milieu professionnel.
Phénomène nouveau, un autre type de réponse se déve-
loppe, qui émane cette fois plus directement des entre-
prises. La Charte de l’engagement LGBT, par exemple,
rédigée par l’association l’Autre Cercle et Accenture,
dont les premiers signataires sont,
entre autres, Orange, Sodexo, Alcatel
Lucent et le groupe Casino. Deux ans
après son élaboration, le texte
compte une vingtaine de signataires
supplémentaires, dont la Mairie de
Paris, Dell, IBM France, Randstad et
Veolia, et promeut une approche
exclusivement RSE et RH de ce sujet
complexe.
Victor Haumesser
Négocier pour mieux lutter
En plus du volet judiciaire de la
lutte contre les discriminations, la
loi impose aussi aux employeurs,
au niveau de la branche et de l’en-
treprise, une obligation de négocia-
tion et de consultation en faveur de
la promotion de l’égalité. Ainsi, les
branches sont tenues de négocier
tous les 3 ans sur la thématique de
l’égalité professionnelle. De même,
dans le cadre de leurs négociations
annuelles obligatoires, les entre-
prises ont l’obligation de fixer des
mesures permettant de supprimer
les inégalités de rémunération
entre les hommes et les femmes.
Et du côté de la transphobie ?
Bien qu’introduit dans la loi en
2012, la première condamnation
d’un employeur pour discrimina-
tion à l’embauche basée sur l’iden-
tité sexuelle date de juin 2015.
Après un premier entretien, son
futur employeur annonce à Elena
que sa candidature au poste de for-
matrice est retenue.
Elle passe alors un second entre-
tien et obtient son planning annuel.
Mais, ses documents administra-
tifs portent un prénom masculin,
et son numéro de carte vitale com-
mence par 1. En effet, si son iden-
tité sociale est celle d’une femme,
sur ses papiers, elle reste un
homme. Ce qui semble ne pas
convenir à son futur employeur, qui
annule son embauche sans expli-
cation, ce qui lui vaudra une
condamnation à 1 500 € de dom-
mage et intérêts, ordonnée par le
conseil des Prud’hommes de
Tours.
Ironie de l’histoire, Elena devait
assurer des formations sur… la
lutte contre les discriminations.
La directrice a changé d’avis
en apprenant que j’étais gay,
ce qui voulait dire, pour elle,
pédophile
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