Le cnam mag' #4 - page 21

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Enquête
«Les stéréotypes ont la peau
dure dans le monde du travail »
Aujourd’hui, pour avoir plus de chance de trouver un travail et l’exercer dans de bonnes conditions,
mieux vaut être un homme, blanc et hétérosexuel. C’est en tout cas ce qui ressort du dernier baro-
mètre annuel publié par l’Organisation internationale du travail et le Défenseur des droits dans
lequel 30% des salariés déclarent être victimes de discrimination.
P
armi les 20 critères de discrimination retenus
actuellement par la loi française figure le sexe
ainsi que l’orientation sexuelle et l’identité de
genre. Pourtant, les reportages sur le sujet ont beau se
multiplier, les informations être largement diffusées, ces
discriminations sont encore très présentes au travail.
Pour le sexisme, il faut comprendre dans la quasi-tota-
lité des cas : «discrimination liée au sexe féminin». Que
ce soit à l’embauche (une femme sur deux a déjà été
questionnée sur ses projets de grossesse), ou durant le
reste de la vie professionnelle (écarts de salaires, pla-
fond de verre), rares sont les
femmes qui ne sont pas concer-
nées. Mais à côté de cette forme de
discrimination visible et judiciaire-
ment caractérisable, il en existe
une autre, larvée, qui ne dit pas son nom, faite de
remarques déplacées, de stéréotypes et de blagues gra-
veleuses qui concourent à créer une ambiance délétère.
Et ce climat hostile, entre autres effets pervers, contri-
bue à banaliser cette violence et à instaurer une forme
d’autocensure. Une étude de l’Université de Liège
(Belgique) a par exemple montré que les femmes ingé-
nieures, qui évoluent donc dans un milieu encore très
masculin, mettent plus en avant leurs compétences
sociales qu’intellectuelles.
Sexe, genre, orientation sexuelle : même combat
La même dynamique s’observe dans les cas de discrimi-
nation sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. En
effet, si phénomène est bien réel, rares sont les salariés
qui se disent encore ouvertement homophobes. La
discrimination se déploie alors dans l’implicite et résulte
de l’agrégation de comportements déplacés, qui créent
et font perdurer un climat homophobe propice au harcè-
lement moral discriminatoire.
On pourrait penser que nos choix de vie ne regardent
personne au travail. Pourtant, il suffit d’observer un
groupe de collègues autour de la machine à café pour se
rendre compte qu’il est impossible d’imposer une stricte
séparation entre vie privée et professionnelle, tant les
conversations font la part belle aux vacances et aux pro-
jets familiaux. Margaux, secrétaire de 33 ans souffre de
cette hypocrisie : «
Mes collègues
hétéros ont des photos de leur
famille sur leur bureau, et dis-
cutent de leur weekend en amou-
reux ou de leurs conquêtes d’un
soir. Mais quand j’ai essayé de faire pareil, on m’a
demandé de garder ma vie privée pour moi
».
«
Les stéréotypes ont la peau dure dans le monde du tra-
vail, et ils peuvent avoir des effets très néfastes sur une
carrière
», dénonce Philippe Orillac, qui a été longtemps
président de la fédération d’associations homosexuelles
l’Autre Cercle. «
C’est pourquoi la majorité des per-
sonnes LGBT préfèrent jouer un jeu, qui est souvent
source d’un mal-être profond
. »
Bien sûr, toutes les personnes homosexuelles ne sont
pas condamnées au silence. Ce qui ne cache pas que
dans un certain nombre d’entreprises, c’est en fait l’ho-
mosexualité seule qui doit encore relever de la vie privée
et rester hors du champ du travail, ce qui en fait un véri-
table tabou, assigne à l’invisibilité et laisse le champ libre
aux agissements homophobes. D’autant plus que depuis
La majorité des personnes
LGBT préfèrent jouer un jeu,
qui est souvent source d’un
mal-être profond
Actualités
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