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L’invité de la rédaction
Vos prises de position vous ont valu de nombreux
amis mais aussi quelques ennemis !
Mon existence présente un singulier phénomène. D’un
côté tout ce que la calomnie, la fureur, la rage peuvent
déployer contre un homme. De l’autre, des apologies
bienveillantes de la part de nationaux et d’étrangers qui
élèvent au ciel un homme que d’autres jetteraient en
enfer.
Comment expliquez-vous ces réactions extrêmes?
Ma voix et ma plume n’ont cessé de revendiquer les
droits imprescriptibles de l’humanité souffrante, sans
distinction de rang, de croyance et de couleur.
Et malgré cela vous n’avez jamais renié vos principes,
pourquoi ?
J’ai traversé 25 ans de Révolution. J’ai vu autour de moi
les circonstances changer mille fois et je suis resté le
même. Je suis comme le granit : on peut me briser, mais
on ne me plie pas.
Si vous ne deviez retenir qu’un souvenir de vos
nombreux combats?
Ce fut mon plus grand titre de gloire que d’avoir été le
rédacteur de la nation qui abolit la royauté lors de la pre-
mière séance de la Convention nationale.
Durant la Révolution, vous avez été député, président
de l’Assemblée constituante et vous avez participé à
la rédaction de la déclaration des Droits de l’homme
et du citoyen. On vous attribue en particulier le
premier article…
«
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en
droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées
que sur l’utilité commune
. » Nous sommes d’abord
citoyens, toutes les autres qualités s’effacent devant
celle-là.
Et, vous avez toujours pris parti pour le peuple,
contre les abus des puissants !
Tant que la plupart des gouvernements n’auront pas de
morale, que la politique sera l’art de fourber, que les
peuples, méconnaissant leurs vrais intérêts, attacheront
une sotte importance au métier de spadassin, et se lais-
seront conduire aveuglément à la boucherie avec une
résignation moutonnière, presque toujours pour servir
de piédestal à la vanité, presque jamais pour venger les
droits de l’humanité, et faire un pas vers le bonheur et la
vertu, la nation la plus florissante sera celle qui aura plus
de facilité pour égorger les autres.
On parle beaucoup ces derniers temps de laïcité. En
tant que représentant religieux, et partisan de la
séparation de l’Église et de l’État, quel est votre point
de vue?
Je crois nécessaire de rappeler que la liberté de culte est
inscrite dans la déclaration des Droits de l’homme et du
citoyen : «
Nul ne peut être inquiété pour ses opinions
religieuses
».
Citoyens, n’oubliez jamais que
c’est la liberté de la presse qui a
conquis la liberté publique»
Homme d’État, homme d’Église, visionnaire, libertaire, Henri Grégoire a été de tous les combats qui ont mar-
qué son époque et ont façonné la nôtre : droit à l’éducation, liberté de la presse, dialogue interreligieux, abo-
lition de la peine de mort et de l’esclavage… Il fut aussi à l’origine de la création du Conservatoire des arts et
métiers par la Convention nationale le 10 octobre 1794.
«