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Portrait
Ingénieure, loin des formules
toutes faites
Comment devient-on ingénieure lorsque l’on a quitté le système scolaire avec un CAP en poche ? Pour
Christiane Chapeau, actuellement en poste à la direction générale des opérations de L’Oréal, la formule tient
en trois mots : motivation, travail et soutien... du Cnam!
P
as besoin de beaucoup de temps pour convaincre
Christiane Chapeau d’offrir un peu du sien pour
nous parler d’elle. «
Pas de problème, je dois bien
ça au Cnam
», dit-elle, tout simplement.
Simple, son parcours ne l’a certainement pas été. Son
CAP en poche à 16 ans et demi, elle est embauchée en
tant qu’aide laborantine. À 23 ans, à la naissance de ses
enfants, elle décide de mettre en pause sa carrière pour
les élever. Mais, son retour à la vie professionnelle est
difficile: elle réalise que sans baccalauréat elle ne pourra
pas rester dans la chimie, qui a beaucoup changé. Elle
sollicite alors le Centre national d’enseignement à dis-
tance (Cned) pour obtenir un diplôme d’accès aux études
universitaires (Daeu), puis s’engage dans une formation
bac+2 au Conservatoire, en cours du soir. Pour elle, la
rencontre avec le responsable de filière aura été déter-
minante : «
Le Cnam m’a soutenu et guidé, m’a encou-
ragé à poursuivre. Même si mes
profs de maths et de physique s’ar-
rachaient souvent les cheveux !
».
Diplôme en poche, elle décroche un
poste aux Parfums Christian Dior.
Son objectif est atteint, mais la frus-
tration de ne pas comprendre à 100% les procédés la
décide à s’engager dans une formation de responsable
de fabrication industrielle (bac+4). Et lorsqu’elle réalise
que le diplôme d’ingénieur est à sa portée, elle se tourne
à nouveau vers le Cnam. «
Je savais que je serais bien
encadrée. Au final, c’était beaucoup de travail, mais les
professeurs étaient passionnants et nous étions un petit
groupe, très soudé
».
Elle se fait modeste. «
Comme beaucoup, je suis sortie
du système scolaire par erreur, trop rapidement. J’ai pu
bénéficier d’une deuxième chance
». Elle insiste aussi
sur l’effort à fournir, non pas pour se mettre en valeur,
mais pour encourager. «
Ce n’est pas une démarche
anodine, mais ça vaut largement le coup
». Intarissable
sur la place des femmes en science, la dévalorisation des
filières professionnelles, la nécessité personnelle de
trouver sa voix tout en ayant le droit à l’erreur, elle com-
prend ceux qui, face à une situation similaire, hésitent.
Elle aussi manquait de confiance avant de se lancer. La
méthode qui a fonctionné pour elle? Ne pas se fixer d’ob-
jectifs trop définitifs ni trop lointains, avancer étape par
étape, s’intéresser plus aux savoirs qu’aux titres. Sa
motivation : l’envie de progresser et d’être reconnue
dans un milieu professionnel qui la passionne.
Elle est fière d’être la première génération de sa famille à
faire des études longues, mais elle
parle avec pudeur de ses origines
modestes, de ses parents et des
valeurs qu’ils lui ont transmis : goût
de l’effort, du travail honnête. De
leur incompréhension aussi, et de
leur méfiance vis-à-vis des études,
contre lesquelles elle a dû lutter. Aujourd’hui, elle est
ingénieure chargée de projet chez L’Oréal, responsable
du développement de procédés sur trois sites en Europe.
Prochaine étape, le doctorat ? Elle sourit : «
Non… Enfin,
c’est vrai que j’y ai déjà pensé…!
».
VH
Quatre dates
1984: entrée dans
la vie active
2001: début de
formation
2010: bac+4
2013: ingénieure
à la direction
générale des
opérations de
L’Oréal
Sa motivation : l’envie de
progresser et d’être recon-
nue dans un milieu profes-
sionnel qui la passionne