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Histoire et patrimoine
13 juin 1849 : les Montagnards
investissent le Conservatoire
Cette journée prend pourtant ses racines loin de la rue Saint-Martin et du troisième arrondissement parisien.
C’est en effet en Italie que se joue le premier acte qui conduira Alexandre Ledru-Rollin à publier, le 11 juin, un
appel au peuple pour défendre la Constitution violée puis à constituer, deux jours plus tard, un Comité insur-
rectionnel au sein du Conservatoire des arts et métiers.
L
’année 1848 marque le début de la première guerre
d’indépendance italienne contre la domination de
l’Empire autrichien au Nord, l’influence de la
papauté au centre, et l’emprise des Bourbons au Sud. De
Milan à Palerme, en passant par Naples ou Venise, les
mouvements insurrectionnels gagnent peu à peu l’en-
semble des États du futur royaume d’Italie. À Paris, ces
événements s’invitent fréquemment dans les joutes ora-
toires qui agitent la jeune République, fille des journées
révolutionnaires de février. Certes, une majorité des
représentants du peuple s’accorde alors sur la nécessité
d’une intervention française. Mais, faut-il que les indé-
pendantistes transalpins comptent, au nom de la propa-
gation des idées républicaines, «
sur le patriotisme, le
courage, et sur les armes de la France !
»
1
comme le
réclame Alexandre Ledru-Rollin, chef de file des
Montagnards ? Ou, comme l’affirme Charles de
Montalembert, partisan d’une monarchie constitution-
nelle, que la France inaugure son action «
dans les
affaires étrangères, en appuyant, en sauvant, en consa-
crant
[l’]
indépendance de l’idée catholique
»
2
?
«
La Constitution violée sera défendue par nous !
»
Les événements se précipitent au deuxième acte. En
Italie d’abord lorsque, en réaction à la proclamation de
la République romaine le 9 février 1849, un corps expédi-
tionnaire français débarque à Civitavecchia afin de cou-
vrir Rome contre toute intervention autrichienne. À
Paris ensuite où Louis-Napoléon Bonaparte décide, seul,
non seulement de mettre fin à la mission de conciliation
de Ferdinand de Lesseps mais surtout de confier au
général Oudinot celle de rétablir le pouvoir temporel de
Pie IV. La victoire du parti de l’ordre aux élections législa-
tives scelle définitivement le sort des républicains
romains. Le 3 juin, les troupes françaises reprennent en
effet l’offensive et assiègent la ville éternelle.
En France, l’affaire romaine se mue alors en véritable
crise institutionnelle. Le 11 juin, le leader des « démo-
soc » interpelle à nouveau l’Assemblée législative pour
dénoncer cette campagne contraire à l’avènement d’une
République universelle. Mais, cette fois, Alexandre
Ledru-Rollin demande aussi la mise en accusation du
Président et de son gouvernement pour violation de deux
articles de la Constitution : le cinquième qui stipule que
la République «
n’emploie jamais ses forces contre la
liberté d’un peuple
» ; le cinquante-quatrième qui interdit
de déclarer la guerre sans le consentement de l’Assem-
blée. Il termine même son réquisitoire en menaçant que
«
la Constitution violée sera défendue par nous, même
les armes à la main !
»
3
.
En vain dans un hémicycle déserté par les républicains
au fil des élections au suffrage universel masculin. Face
à l’échec d’une solution légaliste, il ne reste donc plus
que l’agitation populaire pour «
lutter contre la haine de
la démocratie
[qui]
mal dissimulée sur les bords de la
Seine, éclate en toute liberté sur les bords du Tibre
»
4
.
«
La Montagne est à son poste. Aux armes !
»
Le troisième acte débute le 13 juin en fin de matinée
lorsque, répondant aux appels des comités et journaux
républicains, des rassemblements commencent à se
former près du Château-d’Eau. Vers une heure, officiers
1: Intervention
à l’Assemblée,
séance du
30 novembre 1848.
2: Intervention
à l’Assemblée,
séance du
30 novembre 1848.
3: Intervention
à l’Assemblée,
séance du
11 juin 1849.
4: Appel au peuple
français des
représentants
de la Montagne,
13 juin 1849.