Le cnam mag' #4 - page 26

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Vu d’ailleurs... avec Claude Monnier
Je désapprends mon métier
constamment»
Directeur des ressources humaines chez Sony Music, Claude Monnier est aux premières loges des
mutations qui a”ectent actuellement son domaine professionnel. Il n’hésite pas à partager ses idées
en participant à de nombreux colloques ou en intervenant dans le Mooc du Cnam
Du Manager au
leader
. Son analyse, lucide et empreinte d’humanisme, évite les écueils du catastrophisme et de
l’angélisme. Au delà de l’aspect purement technologique, il nous incite aussi à penser sous un angle
culturel les transformations liées à l’avènement du digital.
Quelles tendances constatez-vous dans l’évolution de
notre manière de travailler ces dernières années?
De plus en plus, des forces opposées s’exercent : plus de
peur mais aussi plus d’initiatives, de démarche entrepre-
neuriale. Actuellement, de nombreuses entreprises sont
dans l’obligation d’être créatives pour continuer à se
développer, ou bien même survivre. Or la créativité, l’in-
novation sont stimulées par la confrontation des idées,
des savoir-faire, des savoir-être. C’est donc au travers
d’un corps social «hétérogène » et ayant des objectifs
communs que ce but peut être atteint. D’où l’expression
«unique ensemble» : unique comme chaque collabora-
teur peut l’être, mais ensemble dans l’entreprise. Et je
constate que «unique ensemble» l’emporte progressi-
vement sur «tous pareils».
Comment les métiers des ressources humaines
doivent-ils changer pour suivre ces évolutions ?
Le droit à l’erreur, l’exemplarité, le
courage décisionnel doivent deve-
nir la norme. La gestion des temps
faibles, c’est-à-dire ces moments
où l’on n’est pas efficace, où l’on fait des erreurs, où l’on
connaît l’échec est un point essentiel, que ce soient les
siens ou ceux des autres. De plus, notre compréhension
du business est un facteur clé du succès.
La fonction ressources humaines est passée de la soute
au pont supérieur. Et dans la musique, il nous faut être
créatif, c’est un début de légitimité dans cet univers
artistique.
Plus personnellement, en tant que directeur des
ressources humaines, comment vous êtes-vous
adapté à ces changements?
J’apprends, ou plutôt je désapprends mon métier
constamment. Trouver la bonne distance et « suppor-
ter » l’accélération dans la durée me préoccupent
chaque jour un peu plus. Il me paraît important de faire
tout ça en restant bienveillant, au service de la fonction
RH en quelque sorte. Et bien sûr, de ne pas utiliser mon
poste ou mon statut à des fins personnels. Au final,
pourquoi s’imposer tout cela? Tout simplement car c’est
ce que je demande à chacun dans l’entreprise.
Alors que le gouvernement annonce une réforme du
Code du travail, quels changements pensez-vous
indispensables d’y intégrer ?
Il existe la classe inversée dans le monde de l’éducation ;
je crois pour ma part à l’intérêt de tester le code du tra-
vail inversé. Un Code du travail qui
serait écrit par les actifs, et non
par le législateur et son corps
administratif. Mais qui suis-je pour
répondre à la place des actifs sur les modifications à
effectuer ? J’ai surtout l’impression que les politiques ne
veulent pas faire de réforme qui leur ferait perdre la pro-
chaine élection.
L’accomplissement personnel à travers le travail
semble être de plus en plus important, pour de plus
en plus de jeunes actifs. Qu’en pensez-vous?
C’est vrai, et sans aucun jugement de valeur, c’est une
«
L’ «unique ensemble» l’em-
porte progressivement sur le
«tous pareils»
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