Le cnam mag' #4 - page 32

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L’avenir du droit du travail :
entre avancée et régression,
quel sera le sens du vent ?
M
ais à quoi sert donc le droit du travail ? C’est
peut-être la première question qu’il convient de
se poser ! À quoi sert-il, ce droit du travail jugé
trop complexe? Revenons aux fondamentaux, et rappe-
lons qu’il a pour fonction essentielle de protéger la santé
et la sécurité des travailleurs, d’équilibrer le rapport de
subordination entre employeur et salarié, à la base du
salariat. Il réglemente les modalités d’embauche des
salariés et celles relatives à la gestion des contrats de
travail : période d’essai, formalisme des contrats, renou-
vellements, ruptures… Il fixe les règles d’organisation du
travail : temps de travail et temps de pauses, congés
payés, qui permettent de concilier contraintes de pro-
duction et vie des salariés, entre
autres !
Ne nous trompons pas d’objet !
L’objet du droit du travail n’a jamais
été de favoriser les performances de l’entreprise. Il n’a
pas vocation à résoudre le chômage ou stimuler la crois-
sance ! Ce n’est pas son rôle et cela ne l’a jamais été.
C’est celui de l’État, de nos dirigeants, des politiques, pas
celui du droit du travail. Cela ne nous empêche pas de
réfléchir à l’impact de certaines règles sur l’efficacité
économique, évidemment, mais n’oublions pas son objet
premier : équilibrer la relation salariale !
Mais le droit du travail peut être critiqué, et à juste titre.
Dispositifs qui s’empilent les uns sur les autres au gré
des changements de gouvernements et de ministères…
Articles en cascade, qui ne peuvent être compris qu’en
faisant référence à d’autres articles, et ceux-là à d’autres
encore… Règles obsolètes qui n’ont pas été remaniées
depuis des lustres… Jurisprudence abondante et parfois
déconnectée du quotidien… Oui, ce sont bien les cri-
tiques que l’on peut faire au Code du travail et au droit
du travail en général. Le droit du travail n’est pas assez
lisible, pas assez clair, et sur bon nombre de sujets, il est
à contretemps des réalités d’un monde du travail qui
avance plus vite, vitesse accentuée par les transforma-
tions numériques.
Alors à quoi ressemblera le droit du travail de demain?
Le CDI restera-t-il la norme? Pas sûr… Dans son ouvrage
Le travail de demain, rénovation ou révolution ?
Haïba
Ouaissi, avocat spécialisé en droit social, pense qu’il faut
désormais raisonner en terme d’«employabilité» face à
l’évolution du travail, et non plus en terme de longévité au
travail… Autrement dit, le but ne serait plus d’obtenir un
emploi durable (CDI), mais plutôt de r es ter
« employable », en bénéficiant d’une formation
constante pour rester adapté à l’évolution de l’emploi.
«
L’employabilité du salarié doit devenir la première res-
ponsabilité sociale de l’entreprise de demain
»…
Au-delà du CDI, le contrat de travail restera-t-il la réfé-
rence? Probablement pas. L’avenir
du droit du travail passe aussi par
l’essor du travail indépendant.
Alors, repenser la situation des
travailleurs indépendants, notam-
ment au regard de leur protection sociale, faciliter le tra-
vail en réseau, devraient être des pistes de réflexion
intéressantes.
De plus en plus de numérique au travail
Le développement global du numérique a enfin des inci-
dences immédiates dans le quotidien du droit du travail.
Notre relation au travail se transforme en profondeur.
Dans un rapport récent, remis le 6 janvier 2016 à la
ministre du Travail Myriam El Khomri, le Conseil natio-
nal du numérique formule une vingtaine de propositions
pour adapter les problématiques liées au travail aux
métamorphoses entraînées par le développement du
numérique. À suivre…
Alors, quel avenir pour le droit du travail ? Un avenir qui
passe par des réformes ambitieuses, mûrement réflé-
chies, et qui aboutissent à des textes clairs, avec des
objectifs bien déterminés, des réformes qui tiennent
compte des profondes mutations de notre monde, qui
savent prendre le sens du vent et tenir le cap !
Le discours ambiant s’accorde pour charger le droit du travail de tous les maux ! Certains sont vent
debout pour dire qu’il est responsable du chômage, d’autres, qu’il serait un frein à l’emploi et à la
compétitivité des entreprises… Sans parler des défauts dont on accable le Code du travail, qui serait
trop gros, trop compliqué, trop indigeste… Il faudrait ainsi tout remettre à plat, repartir sur d’autres
bases, plus adaptées à notre monde qui change, aux rapports sociaux qui évoluent, aux interlocu-
teurs qui ne sont plus les mêmes. Le droit du travail n’a-t-il plus le vent en poupe?
Par
Anne
Le Nouvel
Le droit du travail est à
contretemps des réalités d’un
monde du travail qui avance
plus vite
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