le cnam mag' #2 - page 27

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Comment expliquer le grand écart entre l’adoption
rapide et souvent sans réserves des nouvelles
technologies, et l’inquiétude ressentie face à la
restriction des libertés ou l’utilisation des données
personnelles?
C’est un sujet important : nous avons aujourd’hui de
grands besoins en formation pour que les internautes
puissent mieux contrôler leurs don-
nées. Par exemple, chez France
Télévisions, nous avons mis en
place la
Charte du télénaute
qui
joue la transparence sur les don-
nées collectées comme sur la manière dont l’utilisateur
peut se protéger. C’est, pour l’instant, une initiative assez
unique en Europe.
Pourtant, cette transparence est primordiale parce que
la protection de la vie privée fait partie des droits de
l’Homme et qu’elle doit être sanctuarisée. Actuellement,
les données collectées sont stockées aux États-Unis et
utilisées par des entreprises américaines. Pour elles,
vous êtes un produit, et ce sont les informations que
vous divulguez qui sont à la base de leur modèle écono-
mique. Il y a donc là de vrais enjeux liés à la souveraineté
numérique non seulement pour les personnes mais
aussi pour les entreprises ou les États.
Justement, comment faire comprendre que c’est un
réel bouleversement économique et sociétal, et non
pas un effet de mode?
Effectivement, le basculement de notre société vers le
numérique représente la troisième révolution indus-
trielle. Pourtant, nous avons parfois l’impression que
nos politiques publiques ne sont pas à la hauteur des
enjeux qui sont tracés. Je pense à un détail, qui peut
apparaître symbolique, mais qui me semble symptoma-
tique. Aucun de nos présidents de la République n’a eu
d’ordinateur sur son bureau, alors que nos concitoyens
s’emparent à toute vitesse de ces nouveaux outils et en
profitent, surtout depuis la bascule vers les terminaux
mobiles comme le smartphone.
Pourtant, si on force un peu le trait, on pourrait
trouver que certains projets relèvent plus du gadget
que de l’avancée sociétale, non?
Bien sûr, il y a du gadget, mais il y a surtout de l’expéri-
mentation, du test, et beaucoup d’échec. Et c’est très
bien comme ça ! Cette nouvelle culture permet d’ap-
prendre à échouer pour mieux recommencer. C’est la
même chose pour Internet : on y
trouve beaucoup de bêtises, beau-
coup d’âneries, comme dans la vie.
Mais il n’y a pas que des chats qui
font du skateboard sur Youtube ou
Instagram, on y trouve aussi des choses extraordinaires,
sérieuses, inspirantes, nouvelles. Et franchement,
observer les jeunes d’aujourd’hui innover dans des incu-
bateurs de jeunes pousses, c’est tout de même plus sti-
mulant que de les voir se battre pour entrer chez Arthur
Andersen, comme il y a 30 ans.
Propos recueillis par Victor Haumesser
Grand angle
Vers la troisième révolution industrielle ?
«Pour certains historiens, les bouleversements écono-
miques naissent de la conjonction de révolutions tech-
nologiques dans les domaines de la communication, de
l’énergie et des transports. La révolution industrielle du
XIX
e
siècle s’est déclenchée avec l’invention de la com-
munication distante rapide (télégraphe), de l’utilisation
massive du charbon et de l’apparition du transport fer-
roviaire. Idem pour celle que nous avons vécue au XX
e
siècle avec le téléphone et la radio, l’exploitation du
pétrole et le moteur à explosion. Quant à la troisième
révolution industrielle, elle serait en train de prendre
son essor grâce aux communications numériques, à la
démocratisation et la mise en réseau des énergies
renouvelables et aux nouvelles logistiques créées par
Internet. »
Il n’y a pas que des chats qui
font du skateboard surYouTube
ou Instagram...
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