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L’Éden des botanistes 2.0
Avec pour ambition la création d’un véritable « musée numérique », pourvu d’un fond de plus de
6 millions d’échantillons, l’herbier numérique Recolnat permettra aux scientifiques, comme au
grand public, d’accéder à des trésors jusque-là cachés dans les réserves des musées. Au Cnam, il
est l’objet d’études du laboratoire Dispositifs d’information et de communication à l’ère numérique
(Dicen-IDF), conduit par Manuel Zacklad, en collaboration avec le Muséum national d’histoire natu-
relle (MNHN) de Paris.
Grand angle
P
ourquoi numériser les collections d’histoire natu-
relle de plusieurs institutions dont celles du
MNHN? Les herbiers sont, depuis l’Antiquité, une
mine de données indispensables pour les chercheurs en
sciences naturelles mais également, et plus étonnant,
pour les historiens. La numérisation des collections per-
mettra ainsi, outre de prévenir d’éventuels problèmes de
conservation, d’offrir aux scientifiques une base de don-
nées facilement accessible, dont le retraité-botaniste
savant ou le randonneur curieux pourra aussi profiter.
Mais, et c’est là toute la problématique du patrimoine
numérisé, si certaines barrières physiques seront alors
tombées, ces informations resteront néanmoins inac-
cessibles au grand public sans un important travail de
médiation.
L’équipe de recherche du Dicen-IDF réfléchit donc à un
moyen de rendre les contenus de l’herbier compréhen-
sibles par tous, sans jamais leur ôter leur fonction pre-
mière d’outils scientifiques. Qui sait par exemple que la
Paeonia suffruticosa
n’est pas une horrible bactérie
mais la délicate pivoine? Créer un moteur de recherche
qui prenne en compte les noms scientifiques en latin des
espèces, mais aussi leurs noms usuels, est un exemple
de cette mission de médiation qui commence au niveau
documentaire. S’y ajoutera ensuite un travail de contex-
tualisation consistant à expliquer en quoi cette res-
source est intéressante. Notre pivoine, qui tire son nom
de l’ancien guérisseur grec Paeon, dispose notamment
de propriétés médicinales reconnues depuis l’Antiquité.
Cultivons ensemble les savoirs
Spécialiste ou amateur, tous auront ainsi accès, de par-
tout et à tout moment, à cette incroyable encyclopédie
numérique qui est, de plus, un projet de «
science parti-
cipative
». Comme pour Wikipédia, les usagers produi-
ront en effet des contenus et pourront, par exemple,
enrichir la description des planches des herbiers scienti-
fiques en ajoutant des informations locales, proches des
savoirs populaires : comment se nomme telle plante
dans telle région? Où se trouve-t-elle ? Qu’elles sont ses
vertus? Pour cela, ils devront toutefois suivre des proto-
coles définis en amont par des scientifiques.
Comme Denis Diderot l’avait compris en son temps, la
somme des savoirs fait la richesse des encyclopédies.
Les visiteurs partageront leurs connaissances en anno-
tant les images et, caution scientifique oblige, tout
apport sera associé au statut de son contributeur, scien-
tifique accrédité ou simple visiteur. Reste l’épineuse
question de la validation des données pour éviter, par
exemple, qu’un échantillon soit introuvable car mal réfé-
rencé. Étant donné qu’aucun algorithme ne pourra élimi-
ner toutes les erreurs, les chercheurs privilégient des
solutions de validation sociale où les contributeurs se
corrigent entre eux. Ainsi, Recolnat sera non seulement
une source de savoirs, mais également un outil d’ap-
prentissage actif pour les participants.
Contrairement à un musée comme le Louvre, l’objet de
ce musée n’est pas la mise en avant de la beauté esthé-
tique de ses collections, mais bel et bien la valorisation
d’un patrimoine technique et scientifique, à l’instar du
Musée des arts et métiers du Cnam.
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