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Vu d’ailleurs
Le compte personnel de
formation est un atout
pour les futures générations»
Député d’Indre-et-Loire depuis juin 2007, Jean-Patrick Gille est spécialiste des questions de formation
professionnelle et d’emploi des jeunes. Auteur de rapports sur les conditions d’emploi dans les métiers
artistiques et, à la demande du Premier ministre Manuel Valls, sur la situation des intermittents, il a été le
rapporteur de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale,
instituant le compte personnel de formation.
Pourquoi une nouvelle réforme de la formation?
Cette loi s’inscrit dans la continuité en (ré)affirmant
deux principes : le droit à un premier niveau de qualifica-
tion et le droit à progresser en qualification durant sa vie
professionnelle.
L’élément central c’est le compte personnel de formation
(CPF). Avant, avec le droit individuel à la formation (Dif)
vous aviez bien un droit, mais il était lié à l’entreprise.
Maintenant, on a un compte universel, comme un
compte en banque, que personne ne peut utiliser à votre
place, et vous utilisez vos heures comme vous voulez.
C’est un peu comme au XIX
e
siècle où seules certaines
entreprises proposaient une mutuelle, jusqu’au passage
au régime général de la sécurité sociale. Là, nous pas-
sons au régime général de la formation.
Mais c’est aussi une rupture, notamment pour le finan-
cement, avec le passage de l’obligation de dépense des
entreprises à une obligation de former. Dans les faits, on
accorde plus de confiance à l’individu et à la discussion
entre l’employeur et le salarié.
La loi vient d’entrer en application, mais le dispositif
semble assez peu connu. Est-ce inquiétant ?
Les campagnes vont démarrer et les salariés vont être
informés en recevant leurs relevés d’heures de Dif qu’il
va falloir enregistrer sur son CPF. C’est comme cela que
ça va se mettre en place, avec cette première démarche:
initialiser son compte.
Il faut accepter de faire quelque chose qu’on a un peu de
mal à ne pas faire en France : ne pas juger au bout de
quelques mois. Il faut nous donner au moins trois ans
pour voir si cela fonctionne. Cette réforme ne corres-
pond pas aux canons médiatiques et politiques de notre
époque. Mais ce qui est important, c’est qu’elle donne un
vrai droit aux personnes, et que ce droit est financé
Le dispositif repose en partie sur l’investissement des
entreprises. Or, en période de crise, les budgets
alloués à la formation ne sont-ils pas les plus
menacés?
Il y a peut-être de la frilosité, mais beaucoup d’entre-
prises ont compris que face à la crise, la compétitivité
n’est pas qu’une question de coûts. C’est un autre bascu-
lement philosophique de la réforme, de comprendre que
la formation est un investissement. Bien sûr, il faut
investir dans le bâti, dans des machines, mais
aujourd’hui le vrai investissement est aussi humain : les
entreprises ont un réel intérêt à avoir des salariés mieux
formés, plus adaptés, qui maîtrisent les nouvelles
technologies.
Ensuite, il faut comprendre que c’est un co-investisse-
ment. Et avec l’abondement supplémentaire des entre-
prises aux CPF de leurs salariés, elles mutualisent moins
auprès des organismes paritaires collecteurs agréés
(Opca), et plus auprès de leurs salariés. L’entrepreneur
qui aura tout compris, c’est celui qui arrivera à motiver
ses salariés pour qu’ils mobilisent leurs CPF.
Le Dif a été un échec. Quelles leçons en tirer pour la
réussite du CPF?
Je serais moins critique ; le Dif, c’était tout de même
400 000 personnes par an. Mais, le problème se posait
«